Confinements et comportements

27 Jan 2021
« Nazemnyy Eksperimental’nyy Kompleks » (« NEK »), Complexe expérimental multi-modulaire basé au sol, pour les programmes de confinements (MARS-500, SIRIUS) mis en œuvre à l’IBMP, Moscou, Russie (c) Ethospace

Lorsque le spationaute ferme le hayon du sas, il devient acteur dans le véhicule spatial qui s’élance. Sélectionné, entrainé et motivé pour sa mission, il aborde la situation par une adaptation salutogène, où se manifestent des comportements positifs. Lorsque le terrien doit répondre aux contraintes de vie dans un contexte de pandémie, il reste en attente dans son habitat confiné. Surpris, informé mais inquiet, il fait face à la situation en puisant dans ses capacités de résilience, de ces épreuves passées en comportements positifs. Dans les deux situations, les conditions sont nouvelles, inhabituelles voire extrêmes et les stratégies comportementales visent à trouver son meilleur confort physique et psychologique.

Le confinement pourrait alors être défini comme un espace fermé, avec des moyens de subsistance (support-vie) réglementés, des dangers internes ou externes, des conditions de vie restrictives, avec proxémies ou surpopulation, et monotonie d’un environnement dans lequel l’individu est physiquement confiné et socialement isolé, à l’intérieur de petits habitats.

L’homme dans l’Espace met en place des régulations conservatrices pour retrouver les grands équilibres au niveau physiologique du fait d’un facteur environnemental majeur qu’est la microgravité. Au niveau comportemental, les régulations sont novatrices pour optimiser les propriétés de l’environnement, que sont d’autres référentiels. L’homme en confinement répond à ces mêmes processus tout en anticipant et percevant au niveau mental, valeurs et développement personnel .

Afin de mieux appréhender l’incidence multifactorielle du confinement sous une approche éthologique, science du comportement, un large éventail d’études et recherches a été réalisé ces 30 dernières années, avec le soutien du CNES. En premier lieu, les campagnes ISEMSI (Isolation Study of European Manned Space Infrastructure), EXEMSI (EXperimental campaign for European Manned Space Infrastructure) et HUBES (HUman Behavior in Extended Spaceflight) ont montré des variations dans les bulles intime, personnelle, sociale et publique, selon la classification d’Edward T. Hall, construites au sein des petits groupes de 6, 4 et 3 personnes suivant les durées de 28, 60 et 130 jours respectivement. L’expérience MARS-500 a offert l’opportunité exceptionnelle de simuler 240 jours d’un voyage aller vers Mars, 30 jours d’activités intra-véhiculaire et extra-véhiculaire sur la planète et 250 jours de retour sur Terre, durant un confinement de 520 jours en restant au sol! Les données d’observation, de description et de quantification des comportements individuel et social sont des indicateurs objectifs des faits et gestes de l’équipage dans la vie quotidienne. Il est apparu des changements cycliques, des périodes spécifiques, des jours critiques dans les actions, interactions, expressions et communications des 6 Marsionautes, rompant ainsi lassitude collective et s’enrichissant de traditions différentes contées par chacun. Le programme actuel SIRIUS (Scientific International Research in Unique Terrestrial Station) a pour objectif de reproduire les étapes de missions interplanétaires, pour des durées qui iront de 15 jours, 4 mois, 8 mois à 1 an. L’expérience récente SIRIUS-19 a consisté à confiner et isoler un équipage mixte par son genre (3 femmes et 3 hommes) et ses cultures (dont 4 Russes et 2 Américains), durant 120 jours en mimant un vol vers la Lune, l’arrimage à une station orbitale (analogue à Gateway), le repérage de zones d’alunissage, plusieurs opérations sur la planète, puis retour virtuel, avec les pieds sur Terre en réalité. Les résultats ont montré que la qualité hétérogène du groupe apportait des valeurs de diversité et d’individualité en faveur d’une cohésion sociale dont la stabilité à long terme augure de la réussite de l’humanité à s’adapter.

Ainsi, l’analyse des comportements en confinements contribue à la fois à établir des scénarios pour les futures explorations humaines des planètes, plus loin dans l’Espace et le temps, mais aussi donne des outils d’adaptation dans toutes situations, où Repères, Rythmes et Rituels sont les mots clés pour s’ouvrir virtuellement à la vie confinée…

Carole Tafforin


1 L’humain et l’Espace. Ses adaptations physiologiques. (2020). Ouvrage collectif coordonné par M.A. Custaud, S. Blanc, G. Gauquelin-Koch & C. Gharib (Editeurs). CNES – CameleonStudio: France. 344p.

2 Solcovà Iva, Vinokhodova A. & Gushin V. (2021). Anticipated and peceived personal growth and values in two spaceflight simulation studies. Acta Astronautica, 179, pp 561-568.

3 Tafforin C. (2020). Behaviors of a mixed gender and culture group during a 4-month confinement (SIRIUS-19). Antrocom Journal of Anthropology, 16(1), pp 5-19.

L’humain et l’Espace. Ses adaptations physiologiques. (2020). Ouvrage collectif coordonné par M.A. Custaud, S. Blanc, G. Gauquelin-Koch & C. Gharib (Editeurs). CNES – CameleonStudio: France. 344p.
Solcovà Iva, Vinokhodova A. & Gushin V. (2021).  Anticipated and peceived personal growth and values in two spaceflight simulation studies. Acta Astronautica, 179, pp 561-568.
Tafforin C. (2020). Behaviors of a mixed gender and culture group during a 4-month confinement (SIRIUS-19). Antrocom Journal of Anthropology, 16(1), pp 5-19.